top of page

Suite au projet de fermes éoliennes dans l’ouest du Périgord, l’ambiance dans les villages de Toutencouac, de Jurydubalais, de Fésautélapoudrière devient de plus en plus vive et tendue. Pour faire le point, le collectif du terroir périgourdin a demandé une entrevue aux responsables de ces trois communes : Mr Grinchineux, Mr Pluduntourensonsac, Mr Dévallapente.

 

- Le Collectif : Bonjour Messieurs. La première question est pour Mr Dévallapente.

Après avoir réuni le conseil municipal très récemment, vous reconnaissez être responsables incompétent pour gérer la question des éoliennes sur votre commune. N’est-ce pas très gênant de faire une telle déclaration ?

- Mr D : Pour calmer le jeu nous préférons nous déclarer incompétents. J’en ai assez de recevoir tous les jours des insultes de gens intolérants. C’est une pression proche de l’intégrisme qui est exercée sur les élus.

- Le Collectif : N’avez-vous pas le sentiment que vous allez être la risée du canton ?

- Mr D : Je n’arrive plus à dormir la nuit et je me réveille comme un ressort. La situation n’est plus tenable. Je préfère être la risette du canton et faire tomber la pression.

- Mr G : Fais gaffe à ce que tu dis : on ne dit pas risette, mais risée.

- Le Collectif : L’intégrisme, c’est le maintien intransigeant d'une tradition religieuse avec un refus de toute évolution. Est-ce que vous pouvez définir ce mot, intégrisme, qui est assez catégorique pour désigner des citoyens relativement très « ordinaires » ?

- Mr P : Ces « indiens » s’opposent à toute transformation graduelle, tout changement, tout développement que nous leur proposons.

- Mr G : Pour ma part ces « agités » n’ont pas compris tous les « bienfaits du progrès » que pouvaient apporter une éolienne plantée au pied de leur maison.

- Le Collectif : Aux dernières nouvelles, il y aurait presque 500 personnes, donc 500 « intégristes » contre les implantations d’éoliennes.

- Mr D : C’est le résultat de la montée des extrêmes en France. Chacun pense avoir la bonne parole. Dans tout ce chaos, avec mes deux collègues, nous sommes les seuls à savoir ce qui est bon ou pas pour nos semblables. Tous ceux qui n’ont pas compris cela, le regretteront amèrement et il sera trop tard !

- Mr G : Qu’on se le dise !

- Le Collectif : Aux dernières élections, nous assistons à une déroute totale de votre grande famille, celle du parti socialiste, avec moins de 10%. Comment prenez-vous la chose ?

- Mr G : Par principe je la prends du bon côté. Pour l’instant tout va bien dans ma commune, nous sommes en pleine construction d’un complexe commercial qui va accueillir un commerce de bouche de premier choix.

- Mr D : Ce que j’aime chez toi, c’est ta perspicacité !

- Mr P : Moi, qui fondais de grands espoirs à travers ce parti, il va falloir que je change mon fusil d’épaule. Mais comme j’ai de solides épaules, ce changement de cap ne remet pas en cause mon ambition.

- Le Collectif : Avec les élections, nous sommes en plein débat au sujet des emplois fictifs. C’est une question d’actualité qui s’adresse à vous Mr P car le PNR regroupe une équipe de 27 personnes dont chacun se demande pourquoi autant d’emplois, pour quoi faire ?

- Mr P : Ces personnes ont pour fonction de distribuer les prospectus du PNR dans les manifestations locales et de remettre la moule perlière en activité dans l’environnement aquatique de nos rivières. Ce sont des tâches de la plus haute importance qui emploient tout le monde, et à plein temps. D’ailleurs nous regrettons vivement le départ d’une de ces personnes.

Le Collectif : Alors que de nombreuses éoliennes sont déjà installées en Picardie, voici ce qu’on peut lire sur une étude d’impact : « le site ne comportant pas de sensibilité environnementale particulière, il semble donc intéressant d’intensifier l’exploitation de ce site afin de participer à la limitation du mitage du paysage au niveau régional ». Que pensez-vous d’un tel cynisme des promoteurs ?   

- Mr P : Evidemment, comme la région à peu d’intérêt sur le plan visuel, tous les arbres, haies et bocages ayant disparu, il n’y a plus aucun inconvénient à rajouter quelques mâts supplémentaires pour éviter le mitage et remplir les zones vides. Cela fera un couloir continu d’énergie positive.

- Mr G : C’est vrai que les promoteurs sont cyniques, mais j’aime les promoteurs qui augmentent les bénéfices en intensifiant l’exploitation. C’est de l’argent gagné pour nos communes.

- Le Collectif : L’apparition de nombreuses éoliennes dans le paysage périgourdin, ne remet-elle pas en cause votre façon de penser ? Notre patrimoine va disparaître comme celui de la Champagne et de la Picardie, si on laisse tout faire ?

- Mr P : C’est une question de point de vue qui n’est pas la mienne. Le cynisme est une valeur à la mode qui me va tout-à-fait.

- Le Collectif : Je m’adresse à vous Mr G, pour illustrer le cynisme à la mode. Dans votre commune, le club de foot, qui est censé valoriser le sport et l’effort physique, organise une course d’une trentaine de vieux tracteurs, tous aussi bruyants et aussi polluants les uns que les autres.

- Mr G : Le cynisme et les contradictions sont des valeurs de plus en plus populaires. Pour vous citer deux exemples : à Saint Vivien de Médoc, il y a chaque année une course de tracteurs-tondeuses, et à Villetoureix une course d'endurance de tracteurs tondeuses pendant 3 heures. Il faut que nos campagnes vivent au rythme de la ville. Nous ne sommes pas dans une réserve d’indiens !

- Mr D : Pour rester dans le même ordre d’idées, on s’est inscrit tous les trois, au Rallye24 Dordogne, pour faire de la compétition automobile dans nos villages. Cela nous donne un coup de jeunesse et nous permet de rester dans la « course » !

- Le Collectif : Mais Mr Grinchineux, je pensais que vous luttiez contre le réchauffement climatique et contre les émissions de CO2 !

- Mr G : Les émissions seront très minimes, car les moteurs fonctionneront au bio-éthanol, carburant 100% naturel. Les villages sont en perte de vitesse et nous allons y attirer la jeunesse, avec des sportifs de haut niveau comme Christiane !

- Le Collectif : Mais qui est Christiane ?

- Mr G : Le 28 août dernier, Christiane, au Rallye24, une chevronnée de la course automobile, m’a fait faire un tour à bord de sa Porsche-Clio. Elle prend les virages à la corde, à fond la caisse. Cela donne des sensations inoubliables ! Depuis, j’ai décidé de m’entraîner régulièrement avec elle !

- Le Collectif : Mais comme on l’avait déjà évoqué dans un autre débat, les habitants du Périgord Vert recherchent la tranquillité.

- Mr P : Ce n’est pas un souci. Nous allons organiser une grande sortie annuelle pédestre, les 24 heures du PNR, dans un style champêtre et forestier. Personne n’a encore eu l’idée d’une telle manifestation. Cela sera palpitant de voir tous ces randonneurs passionnés, lampe frontale allumée, comme un grand ruban de lumière serpentant dans la nuit, ponctué de lucioles rouges clignotantes !

- Le Collectif : Pour revenir à un sujet plus sérieux, on nous a imposé le nucléaire sous prétexte de progrès. Le souhait du pouvoir actuel est d’imposer les éoliennes sous prétexte d'écologie. Malgré l'implantation massive « d'énergies renouvelables » depuis 10 ans, pas un seul réacteur nucléaire n'a été arrêté.

- Mr P : On n’arrête pas une centrale facilement car sa maintenance génère des emplois. Il faudra attendre une bonne dizaine d’années pour espérer en démanteler une ou deux. Ces opérations sont coûteuses. Il faut être patient !

- Le Collectif : Pour aborder la question de la santé : il y a un nombre croissant d'études qui montrent qu'il y a une détresse humaine considérable, une perturbation du sommeil et des effets sur la qualité de vie pour les riverains d’éoliennes.

- Mr D : Bien sûr qu’il peut y avoir des problèmes ici et là, mais ces malaises sont largement alimentés par des groupuscules anti-éoliens. Encore un coup des indiens !

- Le Collectif : Est-ce que l’un d’entre vous peut nous expliquer les différences des deux scénarios énergétiques Negatep/Negawatt envisagé pour 2050 et dont s’inspirent les programmes politiques ?

- Mr G : J’ai jamais entendu parler de ça !

- Mr D : Moi non plus !

- Mr P : Hé, les gars, il faut ouvrir une revue technique de temps en temps ! Je peux vous expliquer cela en deux mots car je suis tout à fait partisan du scénario Negawatt qui envisage un recours massif aux énergies renouvelables. Pour faire face à l’intermittence de l’éolien et du solaire photovoltaïque, ce scénario prévoit de doubler ces sources d’énergies par des centrales à gaz, éventuellement pourvues de dispositifs de captage du CO2 et de techniques de stockage de l’électricité. Ce recours massif aux énergies renouvelables va s’implanter partout et va faire enfin bouger nos communes trop tranquilles ! Nous, les élus, d’immenses responsabilités nous attendent !

- Le Collectif : Désolé pour vous, Mr P., les dispositifs de captage du CO2 et des techniques de stockage de l’électricité n’existent que dans les programmes « poudre aux yeux ». En réalité, ces projets ne devraient pas aboutir dans l'immédiat. Les programmes de CSC (captage et stockage du carbone) ne marchent pas : ils sont confrontés à un problème de faisabilité technique doublé d'enjeux de rentabilité économique. Voilà où nous en sommes !

- Mr G : La France est un pays positif, comme son énergie du même nom, et nos ingénieurs vont trouver rapidement des solutions.

- Le Collectif : La rédaction conseille vivement à ses lecteurs de se documenter sur les scénarios énergétiques Negatep/Negawatt pour savoir ce qui nous attend pour 2050.

- Mr G : Avec vos conseils, vous allez encore faire descendre dans la rue tous les « nantis » !

- Mr D : Là, t’es bien placé, avec ta collection de casquettes !

- Le Collectif : Comment ne pas éprouver malaise et inquiétude face à cette course aberrante et anarchique du gigantisme industriel ? On entend parler de fusions financières de multinationales, d’aéroports démesurés comme celui de Notre Dame des Landes, d’une nouvelle génération de turbogénérateurs gigantesques avec des mâts de 140 m de hauteur !

- Mr P : Mais, cher ami, vous ne savez donc pas que la grandeur d’une éolienne représente la grandeur d’un pays, et par conséquent, la grandeur des acteurs politiques dont nous faisons partie. C’est bon pour notre égo.

- Mr G : C'est bon pour le moral !

- Mr D : Répétez avec nous, tous en chœur :

« C'est bon pour le moral,

C'est bon, bon, c'est bon, bon,

Si t'es Doudou Rallye24 bien balancée

Ou play-boy du PNR super sapé

Et que tu cherches à t'amuser

La Compagnie des éoliennes va te chanter

C’est bon pour le moral !

Ventez, ventez,

Tournez, tournez,

Vibrez, vibrez,

Clignotez, clignotez,

Ventez, ventez,

Brassez, brassez,

Ventez, ventez,

Dansez, dansez

Brassez, brassez,

Dansez, dansez

... »

bottom of page